En fin de bail, il est courant que le locataire reçoive de son propriétaire un congé avec offre de renouvellement proposant un loyer plus élevé.
Toutefois, la règle du plafonnement limite la variation à la hausse du loyer dans le cas où la valeur locative est effectivement plus élevée que le loyer en cours. La seule possibilité ouverte alors pour le bailleur est de démontrer que des modifications notables des éléments qui composent cette valeur locative sont intervenues.
Comment est déterminée la valeur locative ?
Avant de discuter des modifications notables, il convient de définir la valeur locative.
L’article L. 145-33 du Code de commerce fixe la valeur comme suit (à défaut d'accord des parties) :
- 1° les caractéristiques du local considéré : son agencement, l’immeuble dont dépendent les lieux loués, la surface, les commodités, la distribution ;
- 2° la destination des lieux : l’activité autorisée par le bail ;
- 3° les obligations respectives des parties : la répartition des charges, leur montant, le montant du loyer ;
- 4° les facteurs locaux de commercialité : les commodités, les moyens de transport, les commerces ouverts ;
- 5° les prix couramment pratiqués dans le voisinage.
Seuls sont pris en considération les quatre premiers points. Le cinquième, lequel porte sur les prix pratiqués dans le voisinage, n'est pas pris en considération pour apprécier l'existence d'une modification.
Comment déterminer le caractère notable de la modification ?
Ainsi, le bailleur qui souhaite augmenter son loyer doit démontrer qu’une modification des éléments de la valeur locative est notable.
La Cour de cassation, mais également les cours et tribunaux, exercent un contrôle rigoureux sur le lien de causalité entre la modification avancée par le bailleur et son impact sur le commerce exploité dans les lieux loués.
La modification notable d’un seul des éléments suffit. Cependant, la modification de plusieurs éléments pris ensemble et qui, de par cette combinaison revêt un caractère notable, est admise également.
Le juge n'est pas tenu de rechercher la preuve d'une modification d'un des éléments constitutifs de la valeur locative. Il n’a pas à se substituer au bailleur défaillant dans la preuve et qui souhaiterait simplement qu’un expert judiciaire y procède pour lui. Le propriétaire invoquant un déplafonnement doit rapporter la preuve des modifications qu’il avance.
La période durant laquelle doit être intervenue cette modification ?
Logiquement, la modification alléguée doit être intervenue au cours du bail expiré jusqu'à la prise d'effet du nouveau bail.
Cette période comprend ainsi non seulement les événements intervenus entre la date d'effet du bail à renouveler et sa date d'expiration contractuelle, mais encore ceux survenus pendant la période de tacite prolongation (c’est-à-dire la période de poursuite du bail au-delà de son échéance contractuelle).
Pour être prise en compte, la modification doit être intervenue en cours de bail et donc avoir produit ses effets au cours de cette période.
Quels peuvent être ces modifications ?
Les éléments concernés sont donc ceux visés aux 1° à 4° de l’article L. 145-33 du Code de commerce.
Le premier élément concerne les caractéristiques du local loué
Cela, en pratique, porte sur la surface, puisque très souvent, c’est le prix par an au m2 qui est pris en considération pour déterminer le prix du bail. Ainsi, dès qu’elle est modifiée, celle-ci est prise en compte par les juges comme une cause de déplafonnement.
Les travaux du preneur et du bailleur peuvent, également, être pris en compte dans la qualification de modification notable.
Celle-ci doit toutefois être notable, par exemple par adjonction d’un nouveau bureau, de la mise à disposition d’une terrasse, d’un appartement de fonction.
Étant précisé que le déplafonnement est acquis alors même que l’adjonction de nouveaux locaux ou l’augmentation de surface a déjà donné lieu à un versement au bailleur ou à une augmentation du loyer.
Tout cela est apprécié souverainement par le juge.
Le second élément porte sur la destination du bail
Il faut que la destination ait changé, non pas parce que le preneur exerce une activité différente de celle ou celles déjà prévues par le bail, ou par le tribunal en cas de déspécialisation, mais parce que le bailleur a accepté, en cours de bail, d’en prévoir de nouvelles.
L'appréciation du caractère notable qui appartient aux juges du fond est opéré au vu des nouvelles activités et possibilités commerciales qu’elles ouvrent au locataire. Une simple activité complémentaire aura du mal à être vue comme une modification notable (sauf preuve contraire), à l’inverse une nouvelle activité le serait plus probablement.
Les mêmes développements s’ouvrent que précédemment concernant l’incidence d’une contrepartie financière.
Le troisième élément est relatif aux modifications des obligations respectives des parties
Il s’agit principalement des clauses juridiques du bail, mais également des dispositions légales. Ces modifications doivent avoir changé l’économie du contrat de bail de façon notable. Tel est le cas de la répartition conventionnelle des charges, de l'environnement fiscal, etc.
En outre, aux termes de l'article R. 145-8du Code de commerce, les obligations relevant des dispositions légales et entraînant des charges pour l'une ou l'autre des parties depuis la dernière fixation du prix peuvent être invoquées par celle qui y a intérêt (généralement, celle qui les assume), au moment du renouvellement du bail.
Le quatrième élément à prendre en compte concerne la modification des facteurs locaux de commercialité
Enfin, l'article R 145-6 du Code de commerce vise les facteurs locaux de commercialité.
Les facteurs locaux de commercialité dépendent principalement de l'intérêt que présente, pour le commerce considéré, l'importance de la ville, du quartier ou de la rue où il est situé, du lieu de son implantation, de la répartition des diverses activités dans le voisinage, des moyens de transport, de l'attrait particulier ou des sujétions que peut présenter l'emplacement pour l'activité considérée et des modifications que ces éléments subissent d'une manière durable ou provisoire.
Il faut donc que la modification de ces facteurs locaux de commercialité ait un intérêt pour le « commerce considéré ». Les parties, ou à défaut le juge, devront avoir arrêté la zone de chalandise du commerce exploité, et, à l'intérieur même de cette zone, délimiter les facteurs locaux de commercialité ayant évolué. Enfin, il conviendra d’indiquer l’impact favorable qu’aura eu cette modification sur le commerce considéré.